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J’ai volé en Afrique.

par Ciel Québécois

2 juin 2011

Depuis longtemps Raphael Langumier rêvais d’aller survoler le continent africain.

Photo: Raphael au commande du Convair.

Depuis longtemps je rêvais d’aller survoler le continent africain.

Un visiteur comme on peut en apercevoir à Libreville, ici un Il76

Est-ce que les aventures de mon ami Jean-Marie, ayant travaillé dans ces contrés pendant près de quinze ans, m’ont poussé à vouloir vivre mes aventures, ou bien est-ce l’appelle de l’aventure tout simplement je ne sais pas? Ce qui est sûr, c’est ce que je voulais tôt ou tard. Comme la vie fait souvent bien les choses, début 2009 ma compagnie signe un contrat au Gabon. L’avion est convoyé par deux commandants d’expérience dont l’un deux est un ancien commandant de Boeing 747-400 cargo pour une compagnie Coréenne. Son expérience est utile lorsqu’il s’agit de traverser l’océan Atlantique. L’avion part donc début février de Montréal pour rejoindre Libreville au Gabon en passant par St-John, NFL, direct vers les Açores et ensuite à traves le continent Africain via Lagos entre autres.

Le Gabon est situé à L’équateur, la population ne dépasse pas 1.5 million d’habitants, dont plus de la moitié se situe à Libreville, Port-Gentil et Franceville. Depuis son indépendance (1960), le pays n’a connu que deux présidents, aucun des deux n’a pris le pouvoir par les armes, le pays n’a pas connu de conflits armés. La météo varie peu.

La plage de Pointe Denis, il suffit de prendre le bateau pour s’y rendre, un coin de repos apprécié.

Il y a deux saisons des pluies durant lesquelles les cumulus culminent à plus de 60000 pieds et deux saisons sèches ou la température atteint dès le matin les 30 degrés pour dépasser les 35 degrés en après-midi. C’est aussi une pression atmosphérique ne variant pratiquement pas  et des vents toujours calmes, ce qui est bien pratique lorsque vous allez atterrir sur un aéroport ou il n’y a personne pour vous donner les infos.

J’arrive la semaine suivante. La mise en place est longue, nous sommes deux commandants et un copilote, mais les vols ne sont pas nombreux. Je rentre au bout de trois semaines. À Montréal, les vols sont nombreux, durant les prochains mois, je vais faire des vols dans le Nunavut et aux USA. Au Gabon, les vols sont principalement à destination de Port-Gentil, capitale industrielle du Gabon (pétrole, diamant, Uranium, etc. constituent les matières premières exploitées dans le pays), pour y amenés du cargo.

Fin juin, au Gabon, le président Omar Bongo décède. Au pouvoir depuis 41 ans, il laisse un vide dans le pays, les funérailles engendrent des déplacements de personnes venant du monde entier. Notre avion vole beaucoup.

Début juillet, je suis contacté par le chef-pilote. Je pars le 13 juillet relever l’équipage en place à Libreville. J’arrive le lendemain. Je retrouve sur place des amis de longue date dont Pierre et Alex qui volaient avec moi au Canada et maintenant travaillent sur un Avion d’affaires. Je retrouve aussi Chuck, un ami connu en aéroclub en France voilà 9 ans, le monde est petit, mais celui de l’aviation alors!!
Les vols ne sont pas nombreux à mon arrivé, mais peu de temps après, les élections présidentielles sont lancées et nous sommes mis à contribution pour transporter du matériel à travers le Gabon et même parfois à l’extérieur par exemple à Douala au Cameroun.

Voler en Afrique, quelle aventure! Aucun radar, des équipages venant des quatre coins du monde, principalement des Français et des Sud-africains, des procédures locales dont il faut être familier si on veut que tout se passe bien. Bien que très différentes de ce qu’on connaît au Canada, certaines similitudes sont présentes.

Le tableau où sont inscrits les derniers NOTAM…

Mais voler C’est un environnement contrôlé, mais sans radar, il nous est donc demandé de faire des comptes rendus de position à la demande du contrôleur. Celui-ci gère les trafics comme dans le Nord du Québec, en regroupant les informations des différents avions. La différence, et elle est de taille, c’est que les trafics donnent parfois des informations erronées ce qui fausse tout le système, il faut alors avoir les yeux bien ouverts et le TCAS (Système d’évitement de Trafic) allumé. Ce n’est pas rare d’entendre un Dash8 s’annoncer à 8 minutes de l’aéroport alors qu’il est 10 Nm derrière nous avec une vitesse inférieure de 30 kts. Le contrôleur lui donne alors priorité  pour l’approche, il faut parfois s’imposer et rectifier la situation ce qui anime les contacts radio, croyez-moi et je pourrais vous citer des exemples à n’en plus finir.

En Afrique ce n’est pas seulement ça. C’est aussi découvrir des places qu’on n’imaginait pas, des gens accueillants et l’ambiance africaine à l’état pur. C’est ainsi qu’avec la campagne électorale, nous parcourons avec mon copilote et nos mécaniciens, le Gabon pendant plusieurs jours. Nous allons découvrir des endroits exotiques comme Koulamoutou, situés au nord de Franceville, avec son approche placée entre deux petites montagnes, Franceville, base militaire ou sont stationnés des Fougas Magister n’ayant pas volé depuis 10 ans, es mirage F1 et une vielle Caravelle d’Air France ou bien encore Omboué, petite piste de 4500 pieds de long et 75 pieds de large.

Dès que l’avion arrive, les gens du village viennent à notre rencontre, les plus jeunes souvent pour aider à décharger l’avion en échange d’argent, d’autres pour essayer d’avoir une place vers à Libreville. Dans ces petits aéroports aussi, il faut oublier la logistique. Nous prévoyons donc toujours l’essence pour le vol aller-retour, mais notre plus grande crainte c’est la main d’œuvre. Il n’y a pas de chariot élévateur (forklift). Il faut donc décharger l’avion à la main, heureusement souvent un camion est là, on peut donc directement mettre la cargaison dans celui-ci. C’est comme ça qu’on va apprendre comment décharger une génératrice de 1500lbs à bras. Dix personnes lèvent la génératrice en l’avançant pied par pied jusqu’au bord de l’avion avant de la transporter dans le camion 4 pieds plus bas. Un vrai travail d’équipe dans le désordre le plus total. Il leur aura fallu 45 minutes pour effectuer ce travail.

Après deux mois passés au Gabon, il est temps de laisser sa place à la relève. En partant, je regarde ce pays. Bien que je n’y ferais pas ma vie, il y a quand même quelque chose d’attirant en Afrique. Je souhaite à tout le monde de vivre un jour des expériences comme celle-ci, que ce soit en Afrique, en Asie ou bien en Amérique du Sud.

Raphael Langumier
Commandant Convair CV580